25 mai 2016 à 16h35 —
Mis à jour le 25 mai 2016 à 16h35
Plus de dix jours après le
renvoi du gouvernement, les consultations pour trouver un nouveau Premier
ministre sont au point mort entre le président bissau-guinéen, José Mario Vaz,
et sa formation politique, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée
du Cap-Vert (PAIGC, au pouvoir). Le point en quatre questions pour comprendre
les soubresauts de cette dernière crise.
Pourquoi José Mario
Vaz a-t-il de nouveau destitué le gouvernement ?
La décision couvait depuis plusieurs semaines. Elle a finalement été tranchée, jeudi
12 mai, quand le président Vaz a congédié le gouvernement dirigé depuis
septembre 2015 par Carlos Correia.
Pour justifier ce deuxième
renvoi en
deux ans de mandat, le président a fustigé l’absence de plan
gouvernemental. « J’ai pris une décision qui responsabilise les partis politiques
en leur donnant l’occasion de prouver qu’ils placent l’intérêt supérieur de la
nation et du peuple au-dessus de leurs intérêts personnels ou de groupe ou de
parti », s’est-il expliqué dans
une allocution retransmise par la presse.
Reste que selon de
nombreux observateurs, cette décision présidentielle n’est autre que le dernier
épisode de la crise politique qui agite le pays depuis plusieurs mois.
Quand a commencé la crise
politique ?
Elle a éclaté au
grand jour en août 2015, quand le président a
congédié son Premier ministre Domingos Simões Pereira, en poste depuis
juin 2014. Entre les deux hommes, la
mésentente était notoire.
Alimentées par leur
rivalité pour prendre le contrôle du PAIGC lors des élections législatives et
présidentielle de 2014, les tensions entre eux se sont encore
aggravées après leur ascension au pouvoir en raison du régime
semi-présidentiel, qui fait du Premier ministre le véritable homme fort du pays.
Alors que le président
reprochait à son Premier ministre de ne pas le tenir suffisamment informé des
affaires en cours et lançait contre lui des accusations de corruption, les
partisans de Domingos Simões Pereira affirmaient de leur côté que la
popularité de ce dernier aurait fait de l’ombre au président, qu’ils accusaient
également de trop s’immiscer dans les affaires du gouvernement.
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« Il faut que le
président comprenne que selon la Constitution, c’est le gouvernement qui
gouverne », répète encore aujourd’hui Agnelo Regala, président de l’Union
pour le changement (UM) et ancien ministre de la Communication. Selon ce
dernier, le président n’aurait pas dû procéder aux limogeages de Domingos
Simões Pereira et de Carlos Correa.
Après de longues semaines
de vacance politique et de médiations régionales, la nomination en
septembre 2015 de Carlos Correa, un vétéran du PAIGC, devait devait en effet
clore la crise. C’était sans compter la fronde de 15 députés du PAIGC, qui ont refusé
fin décembre de voter la confiance au gouvernement. L’affaire s’est
peu à peu envenimée : après les avoir exclus
du PAIGC puis démis de leurs fonctions de députés, la Cour suprême
a finalement décidé de réintégrer les 15 frondeurs à l’Assemblée. Depuis, leur
retour a donc fragilisé la majorité absolue du PAIGC, qui dispose
théoriquement de 57 sièges sur 102. Sans les 15 élus, le parti ne conserve donc
que 42 sièges, soit seulement un de plus que la principale force
d’opposition, le Parti de la rénovation sociale (PRS).
Comment se passent les négociations pour trouver un
nouveau Premier ministre ?
Depuis le renvoi du
gouvernement le 12 mai, les négociations sont au point mort. Malgré
plusieurs rencontres entre le président Vaz et Domingos Simões Pereira,
les discussions n’avancent pas. Les deux hommes devront pourtant s’entendre sur
un nom : selon la Constitution bissau-guinéenne, il revient au parti vainqueur
des élections législatives – soit le PAIGC – de proposer le nom du Premier
ministre, que le président doit ensuite accepter et désigner. La
situation se complique un peu plus avec les statuts du PAIGC, qui
préconisent que le rôle de chef de gouvernement soit endossé par le chef
du parti, soit Domingos Simões Pereira.
Preuve que les deux hommes
ne parviennent pas à s’entendre, les responsables des cultes catholiques et
musulmans de Guinée-Bissau ont été mis à contribution pour assurer la médiation
entre le palais présidentiel et le siège du PAIGC, séparés de quelques mètres
seulement.
Mais pour l’heure, les tractations sont au point
mort. Selon un cadre du PAIGC ayant requis l’anonymat, le
parti a proposé lundi la mise en place d’un gouvernement élargi à
plusieurs partis politiques dont le PRS et l’UM et mené par Carlos Correa ou
Khalifa Seidi, leader du groupe parlementaire PAIGC à l’Assemblée. Une
proposition refusée par le président Vaz, dont le but serait de mettre en place
un gouvernement d’initiative présidentielle composé du PRS et de certains
députés PAIGC frondeurs, assure la même source.
Quelles sont les
conséquences de cette nouvelle vacance du pouvoir ?
Cette instabilité
chronique – le ou la prochain(e) Premier ministre sera le quatrième
de José Mario Vaz en deux ans de pouvoir – inquiète les acteurs politiques
et économiques ainsi que la société civile de Guinée-Bissau, dont
l’histoire est jalonnée de coups d’État et de violences
politiques. « Les divisions au sein du PAIGC ne font
qu’alimenter l’instabilité du pays », déplore ainsi le porte-parole
du PRS, Victor Pereira.
Cette nouvelle impasse
pourrait aussi décourager les bailleurs internationaux du pays, qui avaient
promis en
mars 2015 un milliard d’euros à la Guinée-Bissau. « La communauté
internationale pourrait être fatiguée de vos crises qui n’en finissent pas »,
elle « a atteint la limite de sa patience », s’était déjà énervé en février
dernier l’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo, chef de la mission du Groupe
de contact de la Cedeao pour le pays. Un appel resté pour l’heure sans
réponse.
Fonte: http://www.jeuneafrique.com/
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